Il suffit parfois d’une idée toute simple pour changer un quotidien. Aussi simple qu’un filtre sur une fenêtre.
Il y a quelques années, j’ai eu la chance de visiter une toute nouvelle résidence pour aînés en perte d’autonomie à Montréal, au Québec. Notre-Dame-de-la-Paix a été construite sur l’emplacement d’une église. Ils ont ainsi conservé la façade et, afin de respecter l’histoire du lieu, une chapelle a été aménagée à l’entrée de l’établissement. Mais lors de la visite, c’est un tout autre détail qui m’a interpellé.
Toute personne qui a un jour mis les pieds dans un établissement accueillant des personnes présentant des troubles cognitifs a vécu cette situation: Mr X, Mme Y, déambulant et se heurtant à la porte ou au mur en arrivant au bout du couloir. Cette situation est tellement fréquente que les services spécialisés ont été pendant un temps construit en cercle, afin d’éviter les recoins et permettre une déambulation continue. En effet, ce « bout de couloir » représente un obstacle, la fin de la déambulation. On stagne, on se tourne et, parfois, on repart dans l’autre sens. Cet espace peut-être pour certain un lieu d’angoisse. A Notre-Dame de la Paix, on a porté une attention toute particulière à ce recoin. Cet espace, symbolisant un obstacle, a été transformé en un lieu convivial, reposant et apaisant.
Comment améliorer l’environnement? En lui donnant du sens!
Il n’est pas rare que les résidents s’épuisent à force de marcher. L’équipe a donc placé un fauteuil ainsi qu’une table et des revues afin d’inciter la personne à s’asseoir. Pour aller plus loin, ils ont totalement modifié l’espace grâce à des papiers-peints en trompe l’oeil. Placés sur les murs aux bout du couloir, ces papiers peints permettent de matérialiser l’espace en y créant une ambiance. A un étage, c’est une atmosphère de forêt qui a été créé. A un autre étage, c’est un champ fleuri. Les outils actuels permettent de réaliser de superbes effets décoratifs et de se croire vraiment plongé dans un univers naturel. L’espace si angoissant devient alors un petit salon qui nous plonge dans la nature, dans un contexte apaisant.
Mais l’innovation majeure de ce projet se produit la nuit. Tous ces espaces sont dotés d’une fenêtre donnant sur l’extérieur. En journée, le résident peut ainsi jeter un oeil sur ce qui se passe dehors. Mais lorsque la nuit tombe et que les angoisses nocturne apparaissent, les fenêtres deviennent un rectangle noir. Or, comme nous l’avons vu, dans l’esprit des personnes présentant des troubles cognitifs, l’espace noir peut-être perçu comme du vide. Afin de limiter cet effet, et pour renforcer l’immersion en trompe l’oeil, les fenêtres ont été dotées d’un filtre spécial. En journée, la fenêtre est normale. La lumière passe et on peut voir à travers. Mais dès que la luminosité diminue, la fenêtre devient elle-même un bout de forêt, de champ ou de chalet. Ce filtre permet donc de transformer la fenêtre en un écran opaque s’incrustant parfaitement dans l’ambiance choisie. Le bout du couloir devient donc un espace apaisant avec une identité propre.
Ce recoin n’est plus un obstacle, mais une destination, un espace dans lequel on vient se ressourcer, s’évader. De jour comme de nuit, améliorer le quotidien de nos aînés, c’est aussi simple qu’un filtre sur une fenêtre.