La thérapie par réminiscence
Lors de mon passage à San Diego, j’ai eu la chance de visiter le centre de jour Glenner Town Square. Ce lieu d’accueil n’avait même pas encore ouvert ses portes au public. Les derniers travaux étaient en cours mais l’essentiel était là pour se faire une idée sur ce beau projet.
Ce centre de jour base tout son concept sur la thérapie par réminiscence. Cette approche consiste à utiliser des éléments de la vie passée pour rappeler des souvenirs. Le but n’est pas de faire remonter directement ces souvenirs dans un but thérapeutique mais plutôt de créer un environnement familier et ainsi apaiser le malade atteint de démence.
Une machine à remonter dans le temps
Chez Glenner Town Square, il suffit d’ouvrir les portes pour remonter dans le temps. Autour d’une place de village constituée d’un poste de garage, un mini golf et un kiosque à journaux, vous trouverez un « diner », un bar, un musée ou encore une boutique de vêtements. L’objectif est simple: plonger l’usager dans le passé, SON passé. Ayant travaillé quelques années dans un escape game, ou l’on reconstitue des ambiances pour le jeu, je ne pouvais qu’admirer la qualité de réalisation. Les décors sont très immersifs et très réussis.

Le poste du garagiste

La salle à manger

Reconstitution d’une salle de musée présentant principalement des objets militaires
Les espaces ont été pensés pour recevoir des petits groupes et pratiquer des activités. Ainsi, on retrouvera dans presque chaque espace des tables et des chaises. Du fait de l’aménagement, on ressent une attention portée à la convivialité du lieu. Les pièces étant disposées autour de la place du village, il est possible de créer des petits groupes sans s’isoler au bout d’un couloir. Tous les participants sont donc dans un périmètre relativement restreint, facilitant la mobilité et la convivialité. Pour autant, le fait de diviser le groupe en petit effectif permet d’éviter les effets de groupe et l’agitation qui peut en découler pour certains visiteurs. On retrouve donc du calme sans pour autant s’isoler.
Comme je vous le disais précédemment, le but ici n’est pas traiter la maladie mais de créer un environnement agréable. Or, chaque visiteur est amené à réagir à différents stimuli. Les anciens mécaniciens et amateurs de belle mécanique seront plus sensibles à la voiture exposée au milieu de la place du village, les vétérans réagiront au musée, d’autres enfin se sentiront plus à l’aise dans la cuisine d’un petit appartement d’époque. Chacun, selon son parcours de vie, pourra préférer telle ou telle pièce. Dans le même esprit, une clinique, disposant d’un vrai lit en cas de fatigue, expose deux poupées dans un lit d’enfant. Comme nous l’avons vu dans l’article « Mensonge ou thérapie? », certains prendront les bébés dans les bras, d’autres passeront leur chemin. Le but de ce lieu est donc de proposer une diversité d’ambiances afin de permettre à chacun de retrouver un environnement familier.
Le sens du détail
Certains éléments de cette visite m’ont un peu décontenancé. Ce centre est situé dans une zone industrielle et on y entre comme dans un bureau. Il n’y a pas de fenêtre, il s’agit presque d’un hangar. Mais cet espace n’est pas un lieu de vie, il s’agit d’un accueil de jour. Les clients viennent un à deux jours par semaine ce qui permet, entre autre, de soulager les familles. Hormis ces désagréments, l’espace est très bien aménagé et tout a été pensé pour les visiteurs et leurs pathologies, comme par exemple le choix des couleurs. Ainsi, la décoration du « diner » a du être adaptée. Les « diners » classiques, ces restaurants emblématiques des bords de routes, ont traditionnellement des murs rouges et le sol est composé de carreaux noirs et blancs. Pour accueillir des visiteurs atteints de démences et de troubles cognitifs, la couleur rouge a été remplacée par une couleur plus douce, le rose, favorisant le calme. De même, les personnes ayant des troubles cognitifs peuvent avoir des difficultés face au sol noir qui peut être perçu comme du vide, un trou dans le sol, ce qui est très perturbant. Le centre a donc opté pour des carreaux blancs afin de ne pas générer d’angoisse. Une attention particulière a également été portée aux détails historiques. Je peux vous confirmer que le JukeBox d’origine fonctionne parfaitement bien. C’était assez incroyable de mettre en route cette machine mythique. De même, j’ai été très émue par les journaux originaux datant de la Seconde Guerre Mondiale avec des articles présentant la libération de Paris et autres événements. Bien sur, des copies seront réalisées afin de conserver ces originaux en bon état.
Ce centre a ouvert il y a quelques semaines seulement. Il s’agit, comme toujours aux Etats-Unis, d’un projet privé, commercial. Néanmoins, il permet d’offrir aux familles un moment de répit en prenant le relai de l’accompagnement quelques heures ou quelques jours par semaine. Ce projet confirme le développement de la thérapie par réminiscence et montre tout ce qui peut être fait pour replonger nos aînés dans un cadre connu et rassurant. Ce projet utilise également la zoothérapie, les poupées et l’art en diffusant des films dans la salle de cinéma. Un beau condensé de ce qui se fait de mieux en ce moment qui devrait ouvrir ses portes ces jours-ci. Nous leur souhaitons beaucoup de réussite!