Les « Green Houses », coup de coeur du voyage
Direction Loveland, petite bourgade du Colorado, pour ce qui a été LE coup de coeur de ce périple: le « Green House Project ».
Tout commence en 2001 lorsque le Dr Bill Thomas fait un constat simple: la place des aînés est dans une maison, pas dans une institution. Deux ans plus tard, la première « Green House » ouvre ses portes à Tupelo, dans le Mississippi. En 2011, la 100ème maison voit le jour. Le but du Projet Green House est de créer des maisons dans lesquelles les aînés vivent comme chez eux, dans de bonnes conditions de vie et de soin, auprès d’employés engagés pour proposer un quotidien enrichissant. L’organisme étant une fondation, elle repose essentiellement sur les donations de particuliers et d’entreprises grâce à une culture américaine très philanthropique. Cela leur permet d’accueillir tous résidents sans conditions de revenus, ce qui est rare et précieux aux Etats-Unis.
Le concept repose sur trois valeurs:
- Real Homes : Proposer des maisons qui ressemblent à des maisons, et non à des lieux de soins, peu importe le degré d’autonomie.
- Empowered Staff : Donner de l’autonomie aux employés.
- Meaningfull Life : Offrir une vie qui a du sens.
Real Homes – Comme à la maison
On confonds parfois lieu de vie et lieu de soin. Dans un lieu de soin, les résidents deviennent des « patients » définis par leur pathologie. Evoquer un lieu de vie permet de considérer les résidents comme des personnes, indépendamment de leur état de santé.
J’ai eu la chance de visiter la « Pionner House », la 1ère maison construite il y a quelques années au Colorado. Cette construction de plein pied accueille 12 personnes, chacune disposant d’une chambre individuelle. En entrant dans la maison, on trouve sur la droite un petit jardin d’hiver ainsi qu’une salle de télévision. Cette pièce peut se transformer en chambre d’ami pour accueillir les enfants ou petits-enfants le temps d’un week-end grâce à des canapés convertibles. Et oui! Dire qu’on veut lutter contre l’isolement dans les résidences, c’est bien, et ça passe par l’accueil des familles comme on le ferait à la maison. La porte suivante donne accès à un jardin clôturé, donc sécurisé, avec une grande table, un barbecue et de l’herbe verdoyante. Le barbecue n’est pas seulement décoratif, il est régulièrement utilisé… comme à la maison.
La pièce commune est très spacieuse et composée d’une cuisine ouverte, d’un salon et une salle à manger avec une grande table. L’ensemble des habitants peut manger autour, comme en famille. Pour autant, la présence aux repas n’est pas obligatoire. Si un habitant souhaite déjeuner ou diner à une horaire différente ou dans sa chambre, c’est possible. L’accès à la cuisine est libre et même encouragé. Les résidents peuvent aider à préparer le repas. Ils peuvent également se servir directement un verre de jus de fruit dans le réfrigérateur. Il y a deux éviers dont l’un est accessible en fauteuil roulant. Lors de ma visite, de vrais gâteaux tout juste sortis du four refroidissaient sur le plan de travail. Le four est placé bas afin de faciliter son utilisation. Pour autant, la sécurité n’est pas mise de coté. La plaque de cuisson ne chauffe qu’au contact de métal ce qui limite les risques de brûlures. On parle bien ici d’un établissement dans lequel on cuisine de vrais gâteaux, on se sert dans le frigo, et on mange si on veut, quand on veut. C’est une grande collocation finalement! Vous n’avez pas idée à quel point mes yeux brillaient en voyant tout ça!
Concernant l’organisation des repas, une rencontre a lieu chaque semaine. Chaque résident propose des recettes et ils élaborent ensemble la liste de course et le menu de la semaine à venir. Une vraie vie de famille! Oh, et bien sur, il y a un chien… 😉
- L’entrée de la « Pioneer House »
- La salle à manger et sa cuisine ouverte
- Terrasse et Barbecue, pour le plus grand plaisir de Fran
- La pièce multifonction, utilisée par des petits enfants lors de ma visite
Aménager l’espace de vie, sans oublier le soin.
Passons désormais aux chambres. Elles ne sont pas immenses, mais elles sont toutes individuelles. L’organisation propose une base de meubles mais ils encouragent vivement chacun à apporter son mobilier afin de personnaliser l’espace. Dans ce lieu de vie, le défi est d’intégrer le soin de façon discrète et efficace.
- L’une des solution se trouve à l’entrée de la chambre. La « nurse station » – le poste infirmier – est un placard fermé à clé, intégré dans un meuble, type armoire. On y range les médicaments ainsi qu’une tablette de soin et du petit matériel. Cela permet d’assurer un accès aux soignants, sécurisé pour les résidents, discret puisqu’intégré au mobilier de la chambre.
- Chaque chambre dispose également d’un rail au plafond permettant d’utiliser un lève-malade jusqu’à la salle de bain. Ce lève-malade permet aux aidants de mobiliser une personne en perte d’autonomie. Il s’agit d’un tissu semblable à un hamac que l’on place sous le résident et qui s’accroche à des anneaux. Le système va ainsi soulever la toile, ainsi que le résident, de façon mécanique et sécuritaire, et amener le résident jusqu’à la salle de bain. Le dispositif étant intégré au plafond, il est très discret, et bien pratique! Toutes les chambres en sont équipées afin de s’adapter à l’évolution de l’autonomie du résident sans impliquer un déménagement interne.
- On sait que les personnes âgées peuvent avoir une sensibilité particulière à la chaleur ou au froid. Afin d’éviter les querelles de chauffage, chaque chambre possède son propre thermostat et une climatisation. Ainsi, chacun peut réguler sa température selon ses envies. Le panneau de contrôle est assez bas sur le mur afin d’être accessible en chaise roulante.
L’aménagement général a donc été pensé pour accueillir des personnes autonomes ou en perte d’autonomie. Les pièces de vies sont situées au milieu et les chambres sont réparties dans trois couloirs assez court. En effet, une personne ayant des difficultés à se déplacer aura tendance à rester dans sa chambre si elle doit parcourir plusieurs mètres pour se rendre dans la pièce de vie. Les couloirs courts favorisent l’autonomie et la vie en communauté. Malin!
Le but est donc de reproduire une maison dans laquelle chacun trouve sa place pour profiter d’un quotidien riche et joyeux.
Empowered Staff – Des employés engagés
Les métiers de l’aide à la vie quotidienne ou du soin sont des professions très demandantes en terme de patience, d’empathie et d’énergie émotionnelle. Ici, le recrutement a été particulièrement difficile. En effet, on demande aux employés de sortir du cadre habituel enseigné à l’école, ce qui déstabilise les nouveaux arrivants. En plus des soins portés traditionnellement aux aînés, les employés réalisent des tâches domestiques comme ils le feraient avec un membre de leur famille. Ce qui se passe en cuisine en est une illustration: si un résident le souhaite, il peut recevoir son petit-déjeuner sur la terrasse à 10h du matin. Cela implique la disponibilité d’un employé. De même, si un verre d’eau est renversé, aucun agent d’entretien ne répondra au téléphone pour venir nettoyer la tâche. Il revient à l’employé de nettoyer, comme il le ferait chez lui.
On s’inscrit ici dans une relation familiale. Cette relation demande aux employés d’être très investis dans leur rôle et de considérer leur emploi comme un engagement. Pour se positionner dans ces rôles, il faut avoir une grande confiance en soi, en sa profession et en son équipe. En plus d’être bien formé et accompagné par son employeur, cela nécessite d’être animé et passionné, d’ou la difficulté dans le recrutement.
Meaningful Life – Donner du sens
La philosophie de ce projet est très simple: offrir un quotidien qui a du sens, en suivant ses envies. Une anecdote résume cet état d’esprit. Lors de l’accueil d’une nouvelle résidente, cette dernière demande:
– Qu’est ce qu’il y a pour le petit-déjeuner?
L’employée en charge de son accueil lui répond: Je vais vous poser la question dans l’autre sens: Qu’est ce que vous voulez pour le petit-déjeuner?
– Oh, j’ai l’habitude de prendre une omelette
– Eh bien si vous le souhaitez, tous les matins vous aurez une omelette
Lors de ma visite, aux alentours de 10h30, Fran était en train de manger des oeufs brouillés et du bacon tout juste sortis de la poêle, au soleil sur la terrasse.

Echange sur le baseball avec Fran après son petit déjeuner au soleil
Pour égayer le quotidien, les structures d’hébergement ont tendance à proposer moultes activités. Or, il ne faudrait pas que ces propositions multiples cachent le vide du reste de la journée. Ici, l’accent est aussi placé sur les moments anodins comme un petit déjeuner au soleil. Pour autant, la fondation s’emploie aussi à organiser des activités plus traditionnelles. Que ce soient des événements sur place, ouverts à la population de la ville voisine, ou à l’extérieur grâce aux trois bus dont dispose la fondation, ces activités permettent de maintenir le lien avec la communauté alentour et d’enrichir encore un peu plus la vie de Fran, Roger et les autres.
Mais ce qui fait de ce projet le COUP DE COEUR du voyage, c’est sa dimension évolutive pour s’adapter aux besoins du résident.
GREEN HOUSE PROJECT: Une solution au traumatisme du déménagement
La perte d’autonomie conduit bien souvent à un déménagement vers une structure adaptée. Dans ce contexte, le déménagement est un traumatisme immense pour les personnes âgées. Car déménager, ce n’est pas seulement changer d’adresse, mais c’est aussi se couper de son réseau social, ses amis ou sa famille. Bien souvent, le déménagement en structure se fait suite à un déclencheur douloureux comme une chute, une hospitalisation, le décès du conjoint.
Or, le Green House Project n’est pas seulement une succession de maisons. Il s’agit d’un ensemble d’habitations correspondant à différents besoins sous la forme d’un quartier résidentiel tout ce qu’il y a de plus classique. Le projet complet est composé d’un grand immeuble qui accueille des aînés autonomes. Autour de cet immeuble, on retrouve différentes maisons sur le même modèle que la Pionneer House décrite précédemment. Il existe également des maisons partageant un jardin commun sécurisé, réservées aux personnes atteintes de démences de type Alzheimer. La communication via le jardin sécurisé permet d’avoir accès à un extérieur, de favoriser les interactions, tout en limitant les risques d’égarements. Cela signifie qu’une personne peut emménager dans les appartements en étant tout à fait autonome. Puis, au fil des épreuves de la vie, selon l’évolution de ses besoins, ce résident va intégrer la Pioneer House. S’il est atteint de démence de type Alzheimer, il pourra ainsi aller dans la maison voisine, plus adaptée. Le tout sans changer de ville ni même de quartier.
L’intelligence de ce projet est d’accueillir des habitants à tous les niveaux d’autonomie.
Grâce à cette offre complète incluant les aînés autonomes, vous pouvez vivre dans un immeuble puis déménager dans les maisons voisines en fonction de l’évolution de vos besoins, tout en restant dans le même environnement! Les habitants des appartements autonomes sont prioritaires pour accéder aux Green Houses en cas de perte d’autonomie. Cette dimension évolutive permet de réduire le stress lié au déménagement. Le résident va ainsi rester dans le même cadre de vie, la même rue, avec les mêmes voisins. Le Forum, situé au coeur du quartier résidentiel, est un lieu de rencontre. Les habitants s’y retrouvent pour discuter, jouer, se promener, peu importe leur degrés d’autonomie. Il y a des salons, des tables, des chaises, une cuisine, une salle de réunion etc… C’est un lieu convivial d’échange au coeur du projet.
Intégrer le Green House Project est un réel projet de vie qui offre des solutions adaptées à l’évolution de l’autonomie du résident. C’est cette vision globale et cette adaptabilité qui en fait le coup de coeur du voyage.