De l’importance de la sémantique
Un article paru récemment sur le site ici.radio-canada.ca a mis en lumière un sujet trop peu traité: quels mots utiliser pour parler de nos ainés?
L’article évoque notamment un double discours et mets en opposition les termes utilisés dans le milieu professionnel et ceux utilisés dans la vie courante.
Un vocabulaire différent selon le contexte?
Après tout, un chat est un chat et il est important d’être précis dans l’utilisation des termes choisis. Nous allons le comprendre à travers deux exemples.
Avant d’aborder ce sujet, il me parait important de préciser que cette question de la sémantique est apparue récemment dans ma réflexion. Durant plusieurs années, j’évoquais le quotidien de nos ainés en parlant de dépendance, de prise en charge et autres expressions entendues depuis le premier jour de mes études d’infirmière. J’ai été formée et je dirais même « formatée » à parler comme cela. Et comme dans bien des domaines, les diplômés continuent d’employer les termes appris durant leurs études.
Il y a deux ans, en intégrant l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Montréal, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Réjean Hébert. Ce médecin gériatre, ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, est surtout un passionné des défis concernant nos aînés. Lui exposant mon travail, j’évoquais la « dépendance » et me disais choquée des « prises en charge » dans certains établissements. Après 5 minutes de présentation, il m’a stoppé net et m’a demandé de m’interroger sur l’emploi des mots que j’utilisais.
« Prise en charge de la dépendance » ou « Accompagnement dans le maintien de l’autonomie »?
Lors de cette discussion, nous avons décortiqué chaque terme. Prise en charge de la dépendance. Prise en charge. Prendre en charge. Nos ainés sont-ils une charge pour nous? Est-ce comme cela que nous les considérons? Cette « charge », nous la « prenons ». Cette expression renvoie donc à une notion de lourdeur. Plus grave encore, elle enlève toute notion d’autonomie à l’ainé.
Le même raisonnement se poursuit lorsqu’on évoque le degrés de dépendance de l’ainé. Pour parler des actes de la vie quotidienne par exemple, nous nous concentrons sur ce que l’on ne peut plus faire, au lieu de nous concentrer sur les facultés restantes.
Et si nous remplacions le terme de prise en charge par la notion d’accompagnement? La notion d’accompagnement met en avant la participation de l’ainé. Nous l’accompagnons au quotidien mais il reste le principal acteur. En suivant la même méthode, si la lutte contre la dépendance devient le maintien de l’autonomie, la logique est inversée. Nous ne pensons plus à la perte des facultés passées, mais au contraire, nous nous intéressons aux facultés restantes. En modifiant le vocabulaire utilisé, on change donc totalement de point de vue, misant sur l’avenir et le positif.
Cette réflexion est donc le résultat d’une discussion décisive pour moi. Ce jour là, mon interlocuteur a d’ailleurs clos la discussion par cette phrase « Je pense que vous n’utiliserez plus jamais les termes de « dépendance » et de « prise en charge ». » En quelques secondes, j’en étais convaincue. En effet, depuis ce jour, ces termes, et plusieurs autres, ont disparu de mon vocabulaire.
Et vous? Continuerez-vous à les employer?
Parce que les mots que nous choisissons sont le reflet de ce que nous pensons, restons attentifs aux termes utilisés.
Source: « L’usage social délicat des mots pour décrire la vieillesse »